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RENCONTRE – Dorothée Olliéric : une maman sur le front

De leur amour qui dure encore sont nés Félix et Castille, aujourd’hui âgés de 22 et 20 ans. « Après la naissance de Félix, j’ai accepté momentanément un poste de chef de service adjoint pour avoir un peu de temps avec lui. Mais je partais quand même trois ou quatre fois par an sur des zones de conflit. » Et malgré l’arrivée de Castille, Dorothée Olliéric décide de revenir totalement au terrain. Un cas isolé dans ce petit cercle où les femmes avec enfants ne sont pas légion. « A l’exception de Martine Laroche- Joubert, la mère d’Alexia et mon modèle, beaucoup de femmes grands reporters ont raccroché avec l’arrivée des enfants. Mais moi, dans un bureau, j’avais l’impression de flétrir, de perdre mon utilité. Couvrir les guerres, ce n’est pas juste de l’adrénaline, le plaisir égoïste d’une vie d’aventure. On a une mission essentielle de témoigner », assène la journaliste, consciente que, dans son dos, certains ont pu voir en elle une « mauvaise mère ». Pourtant, derrière les apparences, cette double maternité a changé beaucoup de choses. « Ah ! Cette porte, là…, se souvient Dorothée avec émotion en désignant l’entrée de son appartement de l’est parisien où elle nous reçoit. Je revois mon départ pour l’Afghanistan, alors que Félix n’a que 2 mois et demi. Il est dans les bras de Philippe sur le seuil, je l’embrasse et lui dis spontanément “maman t’aime”. Depuis, je dis cette phrase à mes enfants à chaque fois que je pars. Et la nuit d’avant, je ne dors pas bien, j’ai des idées noires, une boule à l’estomac. J’ai cette peur de ne pas revenir que je n’avais pas avant. » Avec son compagnon, ils faisaient toujours attention de préserver les petits de cette angoisse. « J’attendais d’être dans l’ascenseur pour fondre en larmes. Et quand ils étaient jeunes, Philippe veillait à ce qu’ils ne voient pas les images violentes de mes reportages, il les appelait seulement au moment où j’apparaissais pour mon plateau de fin, pour « voir maman à la télé ». » Mais pas toujours facile de maintenir cette bulle de protection.

En janvier 2012, le journaliste Gilles Jacquier, qui travaille pour Envoyé spécial, est tué à Homs, en Syrie. « Gilles, c’était un copain qui venait faire des bouffes à la maison, il habitait le quartier. Félix et Castille avaient 10 et 8 ans et, à l’école, un élève a dit à mon fils : “Ta mère, elle fait le même boulot, elle va mourir aussi.” Autour de cette table de salle à manger, mes enfants m’ont fait promettre de ne jamais aller en Syrie… et j’ai tenu parole. » Malgré son métier hors norme, DorothéeOlliéric reste une maman comme les autres, soucieuse des siens. Avant chaque départ, elle remplit le frigo, affiche les plannings de la semaine et, même sous les bombes, elle n’hésite pas à faire des relances par WhatsApp pour un rendez-vous de médecin ou un cours de tennis. Et de nous confier une anecdote incroyable : « En août 2013, en Egypte, mon équipe et moi sommes victimes d’un simulacre d’exécution. J’entends “head down” [baissez la tête, ndlr], les bruits des armes que l’on charge. Je suis convaincue qu’on va y passer mais, au lieu de voir ma vie défiler, je pense à… l’entrée de Félix en sixième, à sa longue liste de fournitures scolaires. Je me dis “P…, Philippe ne va jamais y arriver sans moi !” »

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